C’est toujours étrange de vivre dans des villes immenses comme Osaka. Dans les gares, on se croise tout en faisant bien attention à ne jamais vraiment interagir avec l’autre. On vit ensemble mais sans se connaître. On se tolère mutuellement.
Dans la société d’aujourd’hui, on ne se bat plus vraiment pour la liberté. On l’affiche encore mais elle est devenue presque banale dans un champ d’antennes et de paratonnerres.
Même si on a beau nous dire quand nous devons traverser une route, on est libre d’emprunter celle que l’on veut.
La dernière fois que je marchais dans l’allée ci-dessous, je n’imaginais pas que ce serait la dernière fois. Le lendemain, un incendie s’est déclenché dans un de ces petits restaurants de bois collés les-uns aux autres. Une trentaine de maisons ont brulé, envolées en fumée avec les restes d’un Japon populaire « à l’ancienne » voué à disparaitre … un jour. Il paraît qu’un rat aurait rongé un câble qu’il valait mieux ne jamais contrarier. Certains se frottent sûrement les mains à présent, prêts à nous installer à la place de flambants neufs Starbucks, MacDo ou Uniqlo. Je croise les doigts.
Chaque créature cherche son chemin, sa survie, avec toutes les erreurs que cela peut malheureusement parfois engendrer.
On a souvent l’impression d’être en face de quelqu’un quand on place ses pions sur le plateau de la vie.
On continue de marcher. On avance vers son propre lendemain. Ceux qui suivent le rythme nous entourent. Les autres, on ne les voit plus vraiment à l’horizon. Ce qui est derrière soi n’existe plus.
Chacun gère son petit monde et s’offre ses libertés ; des moments intimes entre soi et le temps que l’on s’octroie personnellement.
On descend, on monte. On a même plus besoin de regarder devant soi pour le faire. Du temps en plus pour ne pas lever les yeux.
J’adore observer ce petit monde qui tourne tout seul. Armé de mon appareil photo et de ma tête blonde, les gens ici pensent que je ne fais que passer. Je suis pour eux un touriste sans lendemain sur ces terres. Alors, je passe, encore et encore. Je m’octroie moi aussi des moments solitaires bien que je sois rarement seul quelque part, même sous la pluie.
À force de passer, certains finissent par me reconnaître. On se parle. Je deviens peu à peu un des leurs. Non pas ethniquement parlant mais on m’assimile peu à peu à la vie de cette ville qui est leur foyer natal.
Il faudra du temps encore. Des étés et des hivers. Des moments de bonheur. Des crépuscules et des couchers de soleil.
Des pleurs et des rires pour que la vie nous envahisse et transforme cette terre d’accueil en un lieu qui nous apaise. Le genre d’endroit où l’on se dit tout bas qu’il fait bon d’être chez soi.
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Seb
14 mai 2014c’est vrai que c’est plutôt triste cette modernisation et cette aseptisation à outrance du Japon … reste quand même un pb de salubrité quelque fois (très bien mis en valeur par certaines de tes photos d’ailleurs).
Peut être qu’un jour, cette position du tout standard fléchira un peu pour repenser une ville faite pour ceux qui y vivent et pas ceux qui la vendent.
Tu vois, même si je suis loin de ton niveau, tu me rends presque aussi rêveur et poétique que toi …
Seb
Angelo Di Genova
14 mai 2014Hé hé ! Envolée lyrique en commentaire ^^
Heureusement, j’ai bon espoir qu’il reste toujours des endroits « hors contrôle ».
J’aime aussi les endroits flambants neufs mais j’aimerais seulement que tout ne devienne pas ainsi. On en est loin encore mais ça fait juste mal au coeur de les voir se faire grignoter à petit feu.
kowazoe
14 mai 2014Ce n’est pas une aseptisation du Japon, c’est une aseptisation mondial auquel on a affaire malheureusement…
Jan Furansowa
15 mai 2014Bonjour,
Pour les vieilles maisons urbaines, espérons que le caractère traditionnel soit conservé – tout en pensant à la sécurité et au confort des habitants. Certaines municipalités agissent, il me semble. Mais ce serait dommage de ne retrouver ces machiya qu’à Kyôto… Fais-tu parti d’une association de préservation ? Il en existe peut-être à Ôsaka ? Ce serait, je pense, un des meilleurs moyens pour agir.
Pour la fille sur l’escalator, ça va encore : elle se cherche certainement une bonne musique ! 😉 Le pire, ce sont les couples dont le garçon et la fille, l’un à côté de l’autre, sont chacun plongés dans leur smartphone…
loicleg
15 mai 2014Très inspirant et immersif Angelo ! Bravo !
Thomas
16 mai 2014Encore un très bel article ! J’ai trouvé ça très bien de parler de « tolérance », le rapport direct se perds c’est évident. Et je suis en train d’en donner un exemple : Si je t’avais croisé faire ces photos dans la rue je n’aurais sans doute pas osé venir te féliciter, ce que je n’hésites pas à faire une fois sur mon ordinateur : supers photos 🙂
akaieric
20 mai 2014Trés bel article, et trés belles photos.
Merci
Angelo Di Genova
8 juillet 2014Un jour oui. Il ne faudra pas hésiter à me contacter si tu passes dans le coin 🙂
Sam
30 septembre 2014Jolies photos 😉
Je vais à Osaka en Octobre 🙂